Descendants d'Hormidas Jutras

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mardi 18 septembre 2007

Mémoire à la commission Bouchard Taylor

Projet de mémoire à présenter à la commission Bouchard Taylor
St-Jérôme 24 sept 2007
Présenté par Florian Jutras.

Préambule
Le présent mémoire n’est que le sommaire de mes réflexions suite aux différents événements qui ont abouti à la création de votre commission.
Ces réflexions ne s’appuient sur aucune étude de dossier ni sur aucune expérience concrète des rouages de l’immigration ou de quelque ministère que ce soit. Même si je lis parfois Le Devoir et que je regarde surtout Radio-Canada je me considère comme un Monsieur Tout-le-monde qui sans compétence particulière réagit avec ses tripes aux événements de notre société.
Je crois comprendre que votre mandat portait principalement sur « les accommodements raisonnables » dans leur dimension juridique et que vous avez élargi votre champ de consultation à tout ce qui touche l’identité québécoise.
Je m’en réjouis car je crois que nos relations difficiles avec certains groupes d’immigrants proviennent d’une conscience et d’une affirmation ambiguës de notre identité collective.
C’est ce que je m’emploierai à expliciter dans le présent mémoire. Je le ferai le plus brièvement possible en quatre paragraphes :
1- Sommes-nous des xénophobes à redresser?
2- D’où vient le problème
3- Une nouvelle identité québécoise en train de naître
4- Quelques pistes gagnantes à proposer à la société québécoise et à ses gouvernants.


1-Sommes-nous xénophobes?

Pourquoi comme tout à coup avons-nous un problème avec les immigrants?
Nous avons digéré les Irlandais et leurs patates (spud) et leur avons même donné une place, la rue Ste Catherine, le 17 mars de chaque année. Ils nous ont donné des hommes politiques connus : Ryan, Johnson et Mulroney…

Les Italiens nous ont donné la pizza et aussi quelques politiciens, nous leur avons donné la Place de l’Italie, St-Léonard, des temps d’antenne et que sais-je?

Les Polonais sont aussi venus. Ils ont fait nos jobs les plus difficiles Que sont-ils devenus? Des Québécois pour la plupart, je crois..

Les Vietnamiens sont arrivés en boat people. Ils ont été accueillis à bras ouverts partout à travers la Province. Ils sont membres de nos familles. Avec les Coréens ils tiennent nos dépanneurs.

Les Haìtiens sont en train d’occuper Montréal-Nord. ils nous ont donné Dany Laperrière et le boxeur…? Ils sont de plus en plus visibles dans nos institutions d’enseignement et de santé.

Malgré ce qu’on ait pu dire et colporter, les Québécois ne sont pas xénophobes.
Une visite chez nos voisins (américains et canadiens-anglais) nous fait savoir ce qu’est la xénophobie et confirme notre affirmation : nous ne sommes pas xénophobes.

2- Le problème :

Comment alors expliquer nos réactions devant la venue massive et récente de groupes venus du Moyen-Orient majoritairement musulmans?
Trois constats principaux illustrent en partie le problème posé par les accommodements raisonnables.

Premier constat : Notre « nous » (qui n’est pas propriété privée de Madame Marois), se sent menacé par une certaine catégorie d’immigrants qui affichent des traits et des comportements religieux intégristes.

Deuxième constat :
La collectivité québécoise se sent piégée par les atermoiements ou les prises de position ambiguës de ses gouvernants devant les requêtes ou les attitudes dissidentes de certains groupes religieux. Ils semblent vouloir taire les chicanes à bord plutôt que de mettre en place les mécanismes de règlement appropriés.
Ils appliquent leurs normes plutôt que de nous écouter.

Troisième constat : Le droit au libre exercice de sa religion est mal compris dans ses applications qui entrent en conflit avec un état laïc ou avec des valeurs communément acceptées par la majorité des citoyens.

Pourquoi, comme tout à coup, connaissons-nous ces difficultés avec certains groupes d’immigrants? Pourquoi Hérouxville fabrique-t-il une panoplie de boucliers, pourquoi se vendent-ils si bien au Québec des régions?
Parce que nous nous sentons menacés par ces groupes, nous avons peur. Au lieu de nous poser la question « de quoi avons-nous peur » posons-nous la question « pourquoi avons-nous peur? »

Et ma réponse :
Nous avons peur de l’étranger parce que récemment comme un adolescent qui prend majorité, nous avons endossé une nouvelle identité québécoise dans laquelle nous ne sommes encore à l’aise. Pourquoi avons-nous peur des musulmans en particulier? C’est ce qu’on comprendra mieux lorsque nous aurons psychanalysé les traits de notre nouvelle identité.

3- Notre nouvelle identité

Nous étions des canadiens-français catholiques nous sommes devenus des québécois laîcs.
Canadiens-français catholiques notre identité s’affirmait principalement devant les Anglo-protestants et les Canadiens-anglais dans la défense de nos droits et de notre culture.

3a – De Canadiens-français à Québécois

Par la révolution tranquille et grâce à René Lévesque qui en a été la principale cheville, nous avons pris la conscience de notre lieu au Québec, nous l’avons occupé comme propriétaire, développé, protégé et nous en sommes fiers. Le NOUS québécois ne tient plus principalement à notre langue française mais à notre lieu, le Québec,
Cette métamorphose fait que nous avons changé de cible. Notre identité ne se manifeste plus et ne se réalise plus principalement dans la lutte pour la protection de nos droits et de notre langue dans un univers restreint et hostile. Elle se manifeste et se réalise dans la conquête d’un univers élargi par la mondialisation. La langue devient un outil de notre culture, l’expression aimée de notre génie. De fait nous sommes partis à la conquête multidimensionnelle du monde. Il y a eu Terre des hommes pour la notoriété, la Manic pour l’énergie, Bombardier pour l’industrie, Gilles Vigneault pour notre poésie, Gilles Carle et Denis Arcand pour le cinéma. Lise Payette et ses Yvette pour le droit de cité à nos femmes. Et que sais-je…. Il y a aussi toutes les missions économiques et les expertises qui essaiment les Québécois à travers le grand monde et que dire des touristes qui ont débordé de beaucoup la Floride.
Les voyages forment la jeunesse. Nous revenons chez nous plus fiers d’être québécois et plus forts aussi.
C’est quand le monde conquis revient chez nous que nous prenons peur. Nous voulons bien voir le monde et tout le monde mais nous ne voulons absolument pas devenir tout-le-monde. Première raison de notre peur, une trouille profonde d’être dilapidé de ce que nous avons de plus cher, de ce que nous avons récemment conquis.

La peur de l’avenir est aussi connexe à la peur du grand monde à laquelle nous sommes aussi confrontés. Notre titre de canadiens-français et l’identité qu’il habillait nous donnait des racines, nous inscrivait dans le passé. C’est beaucoup notre patrimoine qu’on était appelé à protéger. Québécois nous ouvre vers l’avenir, un avenir incertain pour lequel nous n’avons que peu de balises. Nos rêves et nos acquis les plus chers risquent-ils d’être broyés, déchiquetés, démembrés par la menace d’un back-slash inquiétant que représente la venue de certains groupes arabes chez nous?

La peur peut expliquer nos comportements ou nos attitudes d’allure xénophobe mais peut-être aussi notre fierté récente, qui n’aime pas du tout être bafouée, apporte-t-elle un complément d’explication de nos sentiments de rejet de certains groupes d’immigrants.

3b- De canadiens-français catholique à québécois laïcs

Depuis 1760 l’Église a été le principal pôle de ralliement des canadiens-français, Deux cents ans plus tard, l960 marque un changement d’allégeance au Québec. Il y a à l’intérieur de l’Église l’accentuation d’un fort processus de sécularisation et au Québec la décléricalisation des institutions publiques et leur laïcisation. En même temps beaucoup de québécois se sont affirmés laïcs, non croyants et non pratiquants. Le Québec s’est vidé de ses communautés religieuses et les églises inoccupées sont détruites ou deviennent des bibliothèques publiques ou des centres culturels communautaires,
Cette nouvelle identité laïque, même si elle est un peu trouble, nous en sommes fiers. Ce ne sont pas tellement les autres religions qui nous font peur. Le bouddhisme est entré chez nous avec toutes sortes de bénédictions. Il en est relativement de même pour quelques-unes des nouvelles religions. Ce qui nous indispose et nous menace c’est tout ce qui dans les religions revêt un caractère intégriste et imposé.
Notre nouvelle identité de québécois laïcs situe la liberté de choix des croyances, des pratiques religieuses et de la morale au sommet de ses valeurs. On ne voudrait pas que les immigrants soient chez nous des promoteurs d’intégrisme. Nos québécoises sont trop fières des libérations acquises pour risquer de les perdre ou de se les voir contestées au quotidien par des sollicitations aux couleurs du passé.

Vivre au passé ne nous intéresse pas. Nous n’en sommes pas à « regretter les oignons d’Égypte ». Nous avons plus que « notre petit pain » à manger. Le respect des croyances, des coutumes et de la culture de chacun est une valeur fondamentale de notre identité de québécois laïcs.

Nous attendons de ceux qui viennent chez nous le même respect de notre identité de québécois laïcs. Notre laïcité est jeune. Elle n’est pas militante.
Et c’est justement pour éviter le militantisme religieux que nous nous efforçons d’enlever de nos places publiques toute pratique et tout affichage religieux qui pourrait être ou paraître irritant ou agressant pour d’autres options religieuses.
« Pour mieux vous accueillir, pense-t-on tout bas et parfois tout-haut, nous avons fait place nette. SVP n’encombrez pas la place de vos choses, nous ne pourrons plus danser. »


4 - Mesures à prendre pour des accommodements plus que raisonnables
Ces mesures touchent notre identité, les balises à la liberté de religion, les compétences en accommodements raisonnables.

Quant à notre identité.
Renforcer notre identité
Il faut la renforcer par un investissement important dans la culture québécoise nouvelle version.
Il faut donner des conditions gagnantes à tout ce qui germe en terre québécoise. Il faut encourager ce qui pousse et promouvoir et faire connaître ce qui fleurit. C’est un programme et une priorité qui doivent figurer à toutes les instances collectives du Québec y compris les partis politiques. Au Québec on ne parle plus de canadiens-français mais de québécois. Ce langage qui définit notre identité on doit le formaliser et l’exiger de tous nos porte-parole et à l’étranger et à Ottawa. Speak white!

Solidariser le Québec
Le Québec et les Québécois sont les fondements de notre identité. La diversité est un trait fondamental de notre nouvelle identité : diversité du Québec définie par ses régions et ses centres urbains; diversité des Québécois définie par les origines. Cette diversité est une richesse. Il ne s’agit pas de fusionner les différences de les faire disparaître, il faut les unifier. À l’ère de la mondialisation, il faut donner au monde l’exemple d’une possible communauté mondiale. Solidariser les différences. Mettre sur pied des programmes, développer des mesures de solidarisation. Telle est notre tâche immédiate. Avant et à la base des accommodements raisonnables il faut développer des accommodements d’accueil et de respect mutuel. Les Québécois de souche, les autochtones, les Québécois anglophones, les immigrants de la première ou de la dernière génération d’où qu’ils proviennent, doivent bâtir leur nid au Québec avec des matériaux du XXIe siècle. Chacun doit s’y sentir confortable et chez soi. Cette communauté mondiale risque de devenir une Babel. La langue, la langue française est un outil important et nécessaire de cette unification.

Cette langue ne doit pas être et considérée comme un lit de Procuste, le privilège d.’une majorité qui l’impose aux autres. C’est la langue française qui peut seule présentement unifier le Québec, véhiculer son unité et sa force. Pas l’anglaise, ni aucune autre langue courante au Québec ni le multilinguisme. Il se peut que dans l’avenir le Québec devienne à dominance anglophone ou hispanophone. So what! L’important c’est que le Québec devienne une terre d’accueil multiethnique. Et qu’il fasse bon y vivre, quelle que soit la couleur de sa peau, la nationalité de ses ancêtres, la dominante de ses croyances.
À se barricader on se combat, à se fréquenter on se comprend.
2- Des balises à la liberté de religion

Une communauté qui se sent piégée utilisera tous les moyens du bord pour se faire respecter. La liberté de religion, inscrite à la charte des droits de la personne, est souvent utilisée par les intégristes de toute origine comme un levier de subversion ou un instrument de domination politique.
Il faut enrayer à la base toute initiative de recours facile à la clause de la liberté de religion en définissant mieux ce que signifie cette clause et quelles sont ses conditions d’application en terre québécoise.

Il faut inscrire ces spécifications dans les conditions d’accueil des nouveaux immigrants au Québec.
Il faut les faire connaître aux représentants des différentes communautés ethniques reconnues au Québec. Le droit d’association de ces communautés pourrait être accordé avec l’acceptation de ces conditions de base.
On pourrait créer un conseil formé des représentants des différentes communautés ethniques qui serait appelé à juger les cas de dérogation à une loi ou à un règlement pour cause de liberté de religion et à se prononcer sur la recevabilité de tels recours.

Peut-être serait-il approprié de signer avec les représentants de ces communautés une « paix des braves » où les règles du jeu seraient communément reconnues et acceptées et où les accommodements jugés raisonnables seraient source de paix et non de discorde.

Dans le Québec laïc le respect des croyances religieuses de chacun est trop grand pour qu’on accepte qu’elles soient profanées par qui que ce soit aux intentions malveillantes et subversives.

3- Des champs de compétence reconnus

Il m’apparaît abusif qu’un directeur d’école ne puisse pas de sa propre autorité établir un règlement vestimentaire pour son école et juger des accommodements raisonnables à consentir même s’ils touchent une question de religion.
Pour être appropriés les accommodements doivent être assortis aux conditions de lieu, de temps et d’application. On ne fait pas d’accommodements raisonnables pour tout le Québec et pour tout le temps.

C’est dire l’importance des autorités locales dans le jugement et l’application des accommodements consentis par une communauté ou par un groupe à quelques-uns de ses ressortissants.

Le Québec laïc, respectueux des diversités n’impose pas l’uniformité des droits et des comportements mais souhaite à tous les paliers créer des réseaux de
communication et de respect des différences qui font sa richesse. Cette tâche n’est pas l’apanage des grands chefs de la nation. Les moyens et les petits chefs y trouvent leur rôle et même les « simples soldats » .

Comme le vocabulaire véhicule les valeurs, au lieu de parler d’accommodements raisonnables pourquoi ne pas parler d’accommodements d’accueil et de respect mutuel.


Florian Jutras
Terrebonne

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