Sous
le signe de la lumière
Lors de
la cérémonie d’adieu et d’hommages à Paul-Émile, l’officiant m’a prié d’allumer
un cierge qui soit le signe de sa présence parmi nous. Je n’ai pas eu la
présence d’esprit d’inviter Pierre, le
fils unique de Paul-Émile à accomplir ce rite tellement porteur de sens pour la
famille réunie. Je m’en excuse. Voici quelques réflexions que ce geste et toute
la célébration m’ont inspirées.
La
lumière symbole de la présence de Paul-Émile
Penser que toute vie meurt, que tout homme
mourra, c’est normal, naturel, évident. Quels que soient nos espoirs ou nos
croyances, il va-de-soi aussi que chacun de nous sera à son heure soumis à
cette loi de la nature. On s’en accommode même assez facilement surtout si, en
santé, on se croit encore loin de cette échéance.
Cependant, voir et savoir son frère, son père
ou grand-père Paul-Émile bien-aimé, réduit
et enfermé dans un petit coffre d’à peine un litre de volume, bouleverse tous
les sentiments et vide de leur sens tous les concepts qu’on a pu développer sur
la mort et la survivance des défunts.
De Paul-Émile, on connaît les moindres détours
de son curriculum. Et là, tout est arrêté. On ne voit plus ni ses projets, on n'entend plus ses réminiscences d’un passé découpé en étapes bien définies.
On l’a entendu rire aux éclats, parler avec
volubilité et là, aucun son ne sort de cette boîte serti dans un écrin de
fleurs.
Nos civilités coulées dans des formules
coutumières « Bonjour ! Comment ça va ? Porte-toi
bien ! … » tournent à vide, sans écho.
Pourtant, on
nous le répète, Paul-Émile est là devant nous, avec nous. Les cendres contenues dans ce
coffre sont bien à lui, bien lui. Il est présent.
Le cierge qu’on vient d’allumer en son nom,
évocateur de tant de mystères, le signifie avec clarté, de façon tangible. Par ce cierge allumé, Paul-Émile répond: PRÉSENT.
Les racines du mot présent en précisent la portée. Ce mot soude deux expression
latines « prae » et ens » qui signifient la proximité et l’être.
Le terme exprime la stabilité l'essence de l¨être à l’état
pur et sa proximité.
Présent est un terme relatif. On est présent à ou devant quelqu’un. L’essence de l’autre devant sa propre identité.
Présent est un terme relatif. On est présent à ou devant quelqu’un. L’essence de l’autre devant sa propre identité.
Le cierge allumé au-dessus des cendres de Paul-Émile
signifie donc que Paul-Émile disparu à
nos yeux, est bien là devant nous, avec nous et pour nous.
J’ai passé quelques heures auprès de
Paul-Émile, la nuit du 9 décembre qui précédait son dernier jour sur terre. J’ai eu alors
le privilège de ressentir fortement sa
présence tout près de moi. Une présence qui m’enveloppait. J’étais comme dans ses
bras, couvert de sa tendresse et de son amour.
Depuis toujours, je communiquais assez
facilement avec Paul-Émile. Un mot, un regard, une taquinerie, on se comprenait
comme larrons en foire.
Cette nuit là c’était différent. Malgré
quelques essais, j’ai réalisé vite que toute communication en aller-retour avec
lui était impossible. Il ne répondait ni des yeux, ni de la voix, ni d’un
quelconque geste aux appels que je lui lançais. Il était couché, moi assis à
ses côtés. Il respirait difficilement mais régulièrement et paisiblement. Je
lui tenais la main. Rien.
Sans communication, sous un silence dense
comme la nuit, sans aucun intermédiaire,
ni artifice, sa présence m’est devenue palpable, comme jamais auparavant.
Difficile à définir. Mais il était bien là, tout entier, son être à l’état pur. Ce qu’il était, ce qu’il avait été et probablement ce qu’il sera à jamais, ramassé dans un instant indéfinissable s’imposait à moi avec force comme une idée sans mot, comme une chaleur sans source ni souffle. J’étais là devant lui, avec lui, sans voix ni regard. Deux entités en apesanteur dans un lieu et un moment hors du temps.
Puis, sans rien de plus, il m’a serré la main à deux reprises. Et il a comme naturellement posé sa main gauche sur mon genou et l’y a gardée un instant, un instant d’éternité.
Difficile à définir. Mais il était bien là, tout entier, son être à l’état pur. Ce qu’il était, ce qu’il avait été et probablement ce qu’il sera à jamais, ramassé dans un instant indéfinissable s’imposait à moi avec force comme une idée sans mot, comme une chaleur sans source ni souffle. J’étais là devant lui, avec lui, sans voix ni regard. Deux entités en apesanteur dans un lieu et un moment hors du temps.
Puis, sans rien de plus, il m’a serré la main à deux reprises. Et il a comme naturellement posé sa main gauche sur mon genou et l’y a gardée un instant, un instant d’éternité.
Pendant que l’officiant nourrissait nos
réflexions sur le départ de Paul-Émile j’ai de nouveau été saisi par sa
présence comme à la veille de son départ. Il était tout près de moi et de nous
tous.
La présence d’un être cher même décédé m’est
apparue alors fort différente et beaucoup plus vraie, beaucoup plus enveloppante que l'expérience quotidienne de la présence limitée par nos sens ou enfermée dans nos concepts philosophiques.
Une sensation, un sentiment, un mystère.
Voilà la portée du cierge allumé en son nom au-dessus de ses cendres.
Une sensation, un sentiment, un mystère.
Voilà la portée du cierge allumé en son nom au-dessus de ses cendres.
Paul-Émile notre flambeau
Le cierge allumé, de soi ou en lien avec le
cierge pascal, est aussi symbole de lumière.
La lumière séparée des ténèbres, la lumière
qui illumine le ciel, celle qui éclaire la terre et tout homme venant en ce
monde, la lumière intérieure, guide de nos pas incertains sur les sentiers de la vie.
À titre d’aîné Paul-Émile portait le flambeau de cette lumière aux rayons
polyvalents. Il l’a portée avant nous et devant nous. Il était notre point de
mire, notre référence coutumière,
Et nous l’aimions bien.
Si, comme disent les astronomes, chaque étoile brille de sa lumière propre, il en est de même de chaque être humain. Chacun est en quelque part et de quelque façon une lumière pour l’autre, son modèle, sa référence privilégiée, l'objet d'une attention et d’une affection particulières.
Vue à travers le filtre des ans l’étoile de
Paul-Émile a brillé et scintille encore de mille couleurs au firmament de notre famille.
La première image que l’on retient de
Paul-Émile, c’est le sourire brillant et accueillant comme le soleil qui
éclairait sa face. La couleur du soleil, le jaune-or qui marque tout ce qu’il touche de la joie d’être et de
vivre.
Le rouge
vif qui colore les rayons de son étoile révèle son profond attachement à la
famille. Paul-Émile n'était pas homme à répéter à tout
propos les « je t’aime » comme c’était à la mode à une certaine
époque, mais à son contact on ressentait combien il était heureux de nous voir
et de passer quelque temps avec chacun de nous. Il avait aussi gardé un amour
d’enfant pour notre mère Yvonne qu’il voyait comme la grande dame de sa vie en
tenue de noces. Il la plaçait très haut sur
son échelle de valeurs et la gardait très près de son cœur.Le quotidien de sa vie est aussi marqué par le gris argent qui révèle un homme consciencieux, appliqué à
son travail et attentif aux multiples soins à prodiguer à sa demeure et à son
entourage.
L’orange
aux reflets d’or nous rappelle sa dignité et sa fierté
manifestée dans une tenue toujours impeccable.
Je le revois encore tout fier de sa chemise de nylon blanche qu’il avait payée 5$ et qui devait lui durer toute la vie. C’est avec une joie d’enfant qu’il la portait lorsqu’il est venu me voir seul, en autobus, à St-Jovite, en 1951.
Je le revois encore tout fier de sa chemise de nylon blanche qu’il avait payée 5$ et qui devait lui durer toute la vie. C’est avec une joie d’enfant qu’il la portait lorsqu’il est venu me voir seul, en autobus, à St-Jovite, en 1951.
Le bleu
de son étoile me rappelle encore ses multiples rêves et les ambitions qu’il
formulait avec une simplicité déconcertante.
Alors que j’étais en visite au rang St-Alexandre il m’avait lancé le défi d’une course jusqu’au domaine et il l'avait gagnée.
Et que d’espoirs les billets de loto qu’il achetait régulièrement ont entretenu chez lui !
Simple locataire des immeubles du plan Dozois, il a rêvé sa demeure, se l’est procurée sur la rue Foucher, l’a entretenue et améliorée avec fierté pour la léguer avec amour, le temps venu, à son fils Pierre. s
La bande de vert, qui occupe une large part de son spectre, marque une endurance sans
pareil.
Un été, vers 1948, seul, âgé d’à peine vingt-deux ans, alors que papa était handicapé par les rhumatismes, il a recouvert de bardeaux d’asphalte toute la toiture de l’étable et de la grange après y avoir enlevé les vieux bardeaux de cèdre qui la recouvraient depuis sa construction.
Un été, vers 1948, seul, âgé d’à peine vingt-deux ans, alors que papa était handicapé par les rhumatismes, il a recouvert de bardeaux d’asphalte toute la toiture de l’étable et de la grange après y avoir enlevé les vieux bardeaux de cèdre qui la recouvraient depuis sa construction.
Combien de poches de patates a-t-il ramassées à chaque automne chez Walter Benoit ? Il était fier de nous dire qu’il pouvait balancer d’une seule main une pleine poche de patates dans la haute boîte du camion qui les ramassait à la fin de la journée.
Et de combien d’autres couleurs scintille son
étoile dans l’univers de nos lieux et temps de vie. Il suffirait d’une petite loupe et de quelques instants de fouille dans nos souvenirs pour les dégager.
Je vous invite chacune et chacun à vous livrer à cet exercice.
Paul-Émile, aurait pu, à cause d’un léger
handicap qui, depuis sa naissance, affectait
son élocution et son équilibre, devenir un dépendant à vie du Bien-Être
social. Il a su faire face à ses
difficultés avec un remarquable courage. Il a toujours travaillé ferme pour gagner sa
vie, il est même devenu imprimeur de la reine.
Sans honte, avec une grande politesse, il communiquait
aisément avec les gens qu’il rencontrait et qui parfois avaient de la
difficulté à le comprendre.
Thérèse, son épouse, Hormidas, Lucien, Yvonne,
Yolande, Laurent, Berchmans, Thérèse, Monique et Jean-Guy, fiers de son parcours, lui ont fait la haie d'honneur. Chaque soir, avec
plaisir et entrain, ils allument avec lui, pour lui et pour nous aussi toutes
les étoiles du firmament.
Ils nous y attendent tous. N’ayons cependant aucune presse à aller les rejoindre. D'ici là, tout en besognant sur notre terre, levons de temps en temps les yeux au ciel, nous y verrons de fort belles choses et y entendrons en ce temps de Noël de fort jolies mélodies.
C'est maintenant du ciel que Paul-Émile nous dit combien il nous aime.
Florian,
devenu doyen sans l'avoir cherché.
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